samedi 29 septembre 2007

Simba - First Sea Ice Party

Samedi 29 septembre (70° 40'791 S ; 91°51'579 O)

Et voilà, depuis le 25 septembre nous sommes dans la banquise, en mer de Bellingshausen, au-delà du cercle polaire. Les choses sérieuses commencent avec les premières journées de travail sur la glace. Nous avons échantillonné la banquise dès notre entrée dans la glace lors de courtes périodes de 3h environ (ice station). Lors de ces arrêts ponctuels (3), des carottes de glace ainsi que de la saumure on été prélevées afin de pouvoir y étudier différents paramètres. Chaque carotte est assignée à une ou plusieurs variables, mesurées sur le terrain, sur le bateau ou une fois rentré en Belgique:

* Variables physiques comme la température et la salinité «in situ», variables directement mesurées sur la glace.

* Variables biologiques comme les nutriments, la chlorophylle.

* Variables chimiques comme les différents gaz (CO2, DMS, O2, N2) et le fer.

La partie comique de l’échantillonnage consiste à enfiler, sur la glace, des combinaisons propres ainsi que d’emballer nos chaussures avec des sacs en plastique afin d’éviter toute contamination pour notre ami «IronMan» (Jeroen de Jong). C’est ainsi que «Holiday on Ice» commence! Ensuite, en prenant bien garde aux directives soutenues, mais toujours efficaces de JayLo (notre très cher Mr. Tison), le carottage est entamé. A l’aide d’une foreuse et d’une mèche creuse («corer»), la carotte est prélevée, sortie de la glace et stockée dans un sac d’échantillonnage en plastique.

Après ces premières mises en jambes nous nous sommes dirigés vers la station principale, une large zone de banquise qui nous servira de laboratoire à ciel ouvert pour le mois qui vient (Isa et Flo vous en parleront plus en détails!). Aujourd’hui, sous un blizzard cinglant avec des rafales entre 8 et 10 beauforts, nous préparons notre matériel pour les premiers repérages sur la station principale, la «process station».

News en bref:

* Fred poursuit sa calibration pour ces mesures de DMS,

* Flo peste contre les américains au sujet de leurs consignes de «sécurité», travailler avec des produits radioactifs présente certains désavantages,

* Isa filtre et s’apprête à filtrer les échantillons de glace pourmesurer la chlorophylle-a,

* Martin, notre modélisateur, apprivoise ses deux mains pour des menus travaux (mesure de bilans d’énergie),

* JayLo pense à mettre son lit dans la chambre froide où il passe de nombreuses heures à découper les carottes pour le reste de l’équipe,

* Bruno, yeh yeh yeh yeh!

* IronMan nous apprend le néerlandais tout en continuant à filtrer ces échantillons pour mesurer le fer,

* Gauthier et Nix, écrivent le blog (entre autres choses) ;-)


Q1: Quelle est la latitude exacte du cercle polaire, comment est il défini et en quoi est-il particulier?

Q2: A combien de km/h correspondent les 8 à 10 beauforts?



Nix et Gauthier



Photo de groupe d’une station de nuit (avec de gauche à droite: Nix,IronMan, JayLo, Bruno, Gauthier), illustration du corer ou comment faireune carotte de glace et enfin travaille en compagnie des manchots!

dimanche 23 septembre 2007

Simba - Passage de Drake (un peu plus loin : 58.37S, 80W).

Dimanche 23 septembre


Bonjour à tous !... Je profite de l'entre deux vagues pour reprendre la plume à Bruno, Martin, Fred, Gauthier et les autres un instant, le temps de vous répondre à la question existentielle qui flotte certainement sur toutes vos lèvres depuis un certain temps: «Mais que diantre vont-ils faire dans cette galère ?!?». Nous reviendrons certainement en détail sur ces propos lorsque l'action battra son plein d'ici quelques jours, mais nous vous devons je crois quelques mots d'explications sur le pourquoi etl es principales motivations de notre expédition. Le moment idéal pour déployer la «toile de fond» !
Il s'agira ici d'étudier le comportement de la banquise australe, que l'on appelle aussi parfois glace de mer, car elle résulte du gel de l'eau océanique en surface, à l'opposé des calottes glaciaires, qui elles résultent de l'empilement (et de la compaction en glace) des précipitations neigeuses qui tombent sur le continent au fil des ans. La couverture de banquise antarctique oscille chaque année entre 4 et 20millions de km², et double ainsi la surface couverte de glace de l'Antarctique au maximum de son extension. Une telle superficie, et une telle amplitude saisonnière, font de la banquise antarctique un acteur potentiel des variations du climat à plus d'un égard. Son rôle le plus connu du grand public est probablement celui d'une gigantesque surface réfléchissante (albédo élevé) pour le rayonnement solaire incident, en comparaison de la faible réflexion (forte absorption) qui caractérise l'océan ouvert (albédo faible). Mais il en existe plusieurs autres tels que : la formation des eaux océaniques profondes antarctiques (un des moteurs principaux de la circulation thermohaline globale, ce «tapis roulant» océanique qui fait le tour de la Terre et participe au transfert de l'excédent de chaleur de l'équateur vers les pôles) ; la stabilisation de la couche océanique de surface lors de la fonte saisonnière (la glace de mer est en effet plus pauvre en sel - en moyenne 6 grammes par kilo de glace - que l'eau de mer - environ 34 à 35 grammes de sel par litre d'eau, son eau de fonte « flotte» ainsi sur l'eau de mer) favorisant les efflorescences (croissance accélérée) des algues phytoplanctoniques et par là, la pompe du dioxyde de carbone (CO2) et la libération de dimethylsulfure (DMS), deux gaz à effets climatiques reconnus ; le contrôle deséchanges gazeux entre l'océan et l'atmosphère. Ce sont ces deux derniers effets qui constituent le principal objectif de recherche des projets ARC (Action de Recherches Concertées de la Communauté Française de Belgique :SIBClim : Sea Ice Biogeochemistry in a Climate change perspective - ULB) et FRFC (Fonds de Recherche Fondamentale Collective : BASICS in IPY -Biogeochemistry of Antarctic Sea Ice and the Climate System under the International Polar Year- ULB, ULg, UCL) dans le cadre desquels se déroulela présente mission.
L'expédition du brise-glace N.B. Palmer (SIMBA - Sea Ice Mass Balance in Antarctica) est ainsi la première mission Antarctique réalisée sous les auspices de l'Année Polaire Internationale (API-IPY) qui emmène à son bord un groupe pluri-universitaire (ULB, ULg, UCL) de 9 scientifiques belges (sur un total de 33), dont 6 doctorants (FRIAs, FNRS, PSF, tous les jeunes sur les photos !)...Aie, aie, aie, "la foire aux acronymes" un mal dont la Science se serait bien passée !...Je vous tuyaute : API = Année Polaire Internationale = IPY = International Polar year 2007-2009 ; ULB =Université Libre de Bruxelles ; ULg = Université de Liège ; UCL =Université Catholique de Louvain ; FRIA = Fonds pour la Recherche dans l'Industrie et l'Agronomie ; FNRS = Fonds National de la Recherche Scientifique ; PSF = Politique Scientifique Fédérale.
SIMBA, un projet mené tambour battant par Steve Ackley (un chercheuraméricain de renommée internationale qui s'intéresse de longue date à la glace de mer), a pour but essentiel d'étudier ce qu'on appelle le « bilan de masse » de la glace de mer antarctique. En d'autres termes, il s'agit d'estimer la balance entre la masse de glace fondue et la masse de glace créée chaque année... Pour ce faire il est important de mesurer à la fois la surface couverte par la glace et l'épaisseur de celle-ci, qui peut varier de quelques centimètres à quelques dizaines de mètres, suivant les processus impliqués. Les progrès techniques des dernières années nous ont amenés à pouvoir espérer obtenir ces données à l'aide des données récoltées par les satellites d'observation qui gravitent autour de notre globe,mais nous n'en sommes pas encore tout-à-fait là, surtout pour les mesures d'épaisseurs de glace. Il est donc nécessaire de «calibrer» etde «valider» les données satellitaires par des observations de terrain, c'est l'objectif de SIMBA. Nous placerons en effet, au cours de notre séjour, des bouées « bilan de masse » sur la glace, qui retransmettrons, par voie satellitaire également , les variations d'épaisseur de la glace au cours du temps sur, nous l'espérons, plus d'un an et demi. Ces mêmes bouées, et d'autres encore (dont une première financée par la PSF) que nous répartirons sur notre trajet, nous permettront également de suivre les déplacements de la glace à grande échelle et sur de longues distances (GPS : vous connaissez ?), aidant ainsi à valider (vérifier leur exactitude) ces fameux modèles mathématiques qui prédiront l'évolution de la glace de mer dans les siècles (potentiellement plus chauds !) à venir. Vous avez certainement tous à l'esprit combiencette réduction a été importante pour la banquise arctique (hémisphère nord !), avec un nouveau record d'extension minimale cette année. La banquise antarctique est encore globalement plus ou moins stable à cause de sa taille et de son relatif isolement, mais son recul ne saurait tarder!...Ah oui! j'oubliais! vous en avez déjà entendu parler, nos amis Mike et Blake ont «customisé» un kayak de compétition équipé d'un altimètrelaser et d'un émetteur récepteur d'ondes électromagnétiques sensible à la conductivité électrique de la glace et de l'eau de mer. Celui-ci peut-être soit suspendu à 3 mètres au-dessus de la glace lorsque le bateau se déplace, soit trainé à la force des poignets sur la glace et nous donne avec une précision de quelques centimètres (quand tout fonctionne bien !) l'épaisseur de glace, cool, non ?
OK! mais la biogéochimie de la glace de mer dans tout cela ?... j'y arrive. La glace de mer ne ressemble en rien à la glace de glacier (que vous avez peut-être déjà croisée dans votre vie au cours d'un périple en montagne), elle résulte en effet du gel de l'eau de l'océan, et non de la transformation des chutes de neige en glace sous l'effet de la pression. Elle ne ressemble pas non plus aux glaçons que vous fabriquez dans votre réfrigérateur, ou à ceux qui couvrent la surface du lac près de chezvous, puisque ceux-ci sont formés à partir d'eau douce. Lorsque l'eau de mer gèle (ce qui peut lui arriver de plusieurs manières, nous le verrons plus tard !), elle enferme en son sein des petites inclusions de saumures (eau salée) qui forment ce qu'on appelle des poches, tubes ou chenaux de saumures, en fonction de leur géométrie. Ceux-ci peuvent être connectés entre eux, lorsque la glace est moins froide (<-5°C, en premièreapproximation) et donc très poreuse, ou au contraire isolés les uns des autres, la glace étant alors imperméable. Ces inclusions de saumures sont cruciales, car c'est en leur sein que vont se fixer les microorganismes (du micron au millimètre) qui vivent au sein de la glace de mer : microalgues, consommateurs secondaires, bactéries, et ce en très grand nombre. Ainsi les concentrations en algues dans la banquise peuvent atteindre plusieurs centaines de microgrammes par litre, alors qu'elles ne sont que d'une fraction de microgramme par litre dans les eaux océaniques de surface. La glace de mer joue donc un rôle primordial de refuge et d'ensemencement (lors de la fonte de printemps et d'été) des eaux océaniques polaires de surface. Or, ces algues sont des végétaux, elles réalisent donc la photosynthèse, au cours de laquelle elles prélèvent le dioxyde de carbone dissous dans l'eau, dont le carbone sert de base à la fabrication de leurs cellules. Elles constituent donc un puits potentiel de CO2, dont ne connaissons pas encore l'amplitude. Mais rappelez-vous, 20millions de kilomères carrés tous les ans !...Par ailleurs, les conditions difficiles de survie dans une glace qui peut descendre à -25°C et dans des saumures qui peuvent alors atteindre des salinités qui valent plus de dix fois celle de l'eau de mer, ont mené à des adaptations particulières de ces algues. Elles produisent par exemple des composés sulfurés qui seront plus tard libérés dans l'atmosphère et joueront un rôle opposé à celui du dioxyde de carbone sur l'augmentation de température globale, mais une chose à la fois, Frédéric vous en parlera certainement plus en détail plus tard. Une des activités principales de notre mission sera donc un suivi temporel d'environ un mois de deux stations de glace de mer aux caractéristiques contrastées du point de vue de leur propriétés physiques,chimiques et biologiques. Ces mesures nous permettront de mieux comprendre la dynamique de cet écosystème complexe et méconnu, et de mesurer l'impact potentiel qu'il peut avoir sur la régulation du climat. Le but ultime sera de mettre au point un modèle mathématique qui tentera de reproduire au mieux le fonctionnement de ce milieu et d'intégrer son impact sur le climat à l'échelle du globe. C'est pour cela que nous avons Martin avec nous, un jeune modélisateur hors pair de l'équipe de renommée internationale de l'Institut d'Astronomie George Lemaître de l'UCL. Ce qui m'amène à la présentation du reste de l'équipe belge : Isabelle etFlorence (ULB) étudieront les processus biologiques (en collaboration avec le Dr. Chris Fritsen du Desert Research Institute, Reno, Nevada) ; Jeroen et Florence (ULB) s'intéresseront au fer (un élément mineur limitant potentiellement l'activité alguaire) dans la glace et dans l'eau ; Bruno (ULg), Nicolas Xavier (Nix, ULg), Gauthier (ULB, University of Manitoba, Canada) mesureront les concentrations et les flux de CO2 dans et hors de la glace ainsi que dans l'eau (en collaboration avec notre collègue canadien Keith Johnson, Institute of Ocean Sciences, Fisheries and Oceans, Canada) ; Fredéric (ULB, ex-FUSAGx : Faculté Universitaires des Sciences Agronomiques de Gembloux) dosera les composés sulfurés dans la glace (dimethylsulphide, dimethylsulphoniopropionate). Pour ma part, en plus de la coordination de l'ensemble, je participerai aux mesures du CO2 et des composés sulfurés dans la glace et je me chargerai de la mesure des variables physiques et chimiques de base dans la glace : températures, salinité, isotopes stables de l'oxygène (nous reviendrons sur cet energumène plus tard, pas de panique !) et structure cristallographique de la glace (en collaboration avec Steve Ackley, chef de mission etProfesseur à l'Université de San Antonio, Texas). Hé bien voilà !...à présent, place à l'action !...
A propos, une petite innovation pour ceux qui nous suivent régulièrement et qui sont candidats au «pôle passport» régulièrement une question ou une affirmation à confirmer ou infirmer en justifiant, histoire de garder l'esprit en éveil :
Q1 : «la banquise constitue une des sources d'eau potable les plus importante au monde, des projets audacieux ont même tenté d'en remorquer de grandes quantités vers les régions désertiques du globe» Vrai ou Faux?... Justifier.


A très bientôt, et merci de votre fidélité !

Jean-Louis.


En dessous le « clean » container