mardi 4 décembre 2007

CFL Leg 4B - Nouvelle mission en Arctique

CFL – Circumpolar Flaw Lead 2007-2008 Leg 4B

Banks Island - Amundsen Gulf N 71°48.529 W 125°39.010

4 décembre 2007

Bienvenu dans l’Arctique canadien…

Nouvelle entrée sur ce blog et nouvelle mission qui commence pour notre équipe de glaciologues belges. Après les deux mois passés en Antarctique, cap au nord et direction l’Arctique pour rejoindre l’Amundsen, un brise glace scientifique canadien. Nous participons en effet au grand projet nommé CFL ou Circumpolar Flaw Lead qui a pour but d’étudier les zones marines côtières de l’Arctique canadien et leurs changements saisonniers durant une année entière. La mission, qui s’insère dans l’année polaire internationale à l’instar de SIMBA, réunit des experts venus du monde entier (Canadiens, Américains, Français, Espagnols, Danois, Chinois et d’autres…). Ceux-ci sont regroupés en différentes sections aux centres d’intérêts bien définis. Le laboratoire de glaciologie de l’ULB s’associe ainsi au C.E.O.S. (ou Centre for Earth Observation Sciences) de l’Université du Manitoba à Winnipeg et à d’autres organismes pour former une équipe dédiée aux échanges de gaz (CO2 et DMS principalement) aux interfaces entre l’atmosphère, l’océan et la glace de mer. Notre laboratoire apporte avec lui toute sa science et son expertise dans l’échantillonnage des différents paramètres biogéochimiques de la glace de mer. Tout au long de l’année, nous allons nous relayer, embarquant sur le bateau pour des périodes de six semaines, nommées legs, afin d’obtenir une meilleure connaissance de l’évolution de ces différents paramètres dans la banquise.

J’ai le grand honneur de commencer cette longue série avec le début de l’hiver et d’assister aux premiers stages de formation de la glace. Successivement, Frédéric, Bruno et Nix reprendront le flambeau jusqu’à la fin mai.

Nous tenterons via l’intermédiaire du blog de vous tenir au courant de l’avancée de nos recherches, des premiers résultats, tout en vous faisant partager la vie à bord du bateau. Il se pourrait aussi que quelques photos d’ours polaires et autres anecdotes viennent pimenter nos récits…

Gauthier Carnat


mardi 23 octobre 2007

Simba - la der des der

Mardi 23 octobre, ice station Belgica



Nous avons aujourd'hui effectué la dernière station, la "der des der". Malgré notre enthousiasme à arriver à boucler notre programme avec le dernier cycle de prélèvement à Liège, cette dernière station s'est déroulée dans des conditions un peu sévères comme en témoigne la photo de Frédèric à la fin de la station.




La station précédente du 21 octobre s'était déroulée dans des conditions météo parfaites, température relativement chaude, mais pas trop ( -5°C), pas de vent. Nous en avions bien profité et célébré cette dernière station à "Bruxelles" avec quelques bières et un peu de chocolat, à la belge en quelque sorte… A l'inverse, la station d'aujourd'hui s'est déroulée avec une visibilité réduite, le vent couvrant nos voix et la neige recouvrant tout le reste, une neige humide et collante. Les conditions n'était peut-être pas optimales, mais nous devions absolument effectuer cette dernière station, car à présent il est temps de partir. Nous aurions
sans doute souhaité effectuer plus de stations, mais le floe n'aurait sans doute pas résisté longtemps aux terribles pressions de la banquise. Déjà des "cracks" étaient apparues peu avant la dernière station au site de Bruxelles. Maintenant c'était le site "Liège" qui présentait des faiblesses avec une "crack" qui s'étirait à partir de la ligne d'albedo de Martin. Je voudrais rassurer nos lecteur, la "crack" d'1 cm de largeur n'était pas un danger à court terme. Nul risque que Martin passe à travers, même s'il n'est pas très épais; mais à moyen terme, elle aurait pu s'agrandir progressivement jusqu'à ce que notre site soit purement et simplement découpé en deux.


Certains d'entre nous ont pu croiser des manchots Adélie sur la piste. Un jeune phoque nous également rendu visite juste en bordure de notre site. Notre spécialiste des mammifères marins, Brent, un peu narquois, nous a dit qu'il devait vraisemblablement être en quête de femelles, et que nous avions éveillé sans doute ses sens olfactifs. Je sais que chaque homme à une coté féminin, mais je ne m'attendais pas à ce que le notre ce manifeste de cette manière ci…


Bruno

lundi 22 octobre 2007

Simba - Ice station Belgica

Dimanche 22 octobre
« Elle est blanche, elle est froide, mais surtout elle glisse, j’ai nommé … la neige ! », a dit un jour un policier bien connu pour prévenir des dangers de la neige sur la circulation routière. Eh bien, après cette croisière, je vais m’empresser de le corriger : « Elle est froide, elle glisse mais surtout elle est blanche… ».
Par hasard, il se fait que sur la station dérivante Belgica, mon activité principale consiste à mesurer l’albédo de la banquise, ou plutôt, en cette saison froide, de la neige qui se situe au dessus. Mais qu’est-ce donc que donc que l’albédo, me direz-vous ? L’albédo, est la mesure de la faculté d’une surface à réfléchir la lumière. Une surface noire ne réfléchit rien, son albédo vaut zéro et on n’a pas mal aux yeux. Une surface parfaitement blanche réfléchit tout ce qui lui vient dessus, son albédo vaut 1 et on est ébloui (ça pique). D’après mes mesures, qui confirment nombre de mesures plus anciennes, l’albédo de la neige à la surface de la glace se situe entre 0.8 et 0.9, ce qui veut dire que la neige réfléchit entre 80 et 90 % des rayons du soleil qu’elle reçoit (c’est beaucoup, pour de la terre, c’est environ 0.3). Le reste de la lumière du soleil (10 à 20 % donc), est transmis vers l’océan. L’albédo est donc une sorte de mesure de la blancheur de la surface…

« Qu’est-ce que j’en ai a à f…. ? J’sais bien qu’elle est blanche », vous direz-vous avec désinvolture, peut-être avec raison… Voyez plus loin ! Imaginez, qu’à la suite d’un petit réchauffement, la banquise voie sa surface rétrécir. C’est ce qui se passe en Arctique à l’heure actuelle, donc au Nord (autrement dit, pas là où on est, espèce de confondeur de pôles). En rétrécissant, la glace, une surface blanche et réfléchissante est remplacée par une surface beaucoup plus sombre, j’ai nommé, l’océan ! Pour info, l’océan a un albédo d’environ 0.1 (pas beaucoup). Donc, avec la glace qui fond, on passe d’une surface qui laisse passer entre 10 et 20 % des rayons solaires incidents à une surface qui en laisse passer 90 %. La lumière du soleil éclaire, oui, mais surtout, elle réchauffe l’océan. Si l’océan est plus chaud, il va faire fondre plus de glace, et donc rendre la surface encore plus noire, et le tout va s’emballer… En résumé, un petit réchauffement initial va engendrer la disparition de la glace, ce qui va réchauffer l’océan, ce qui va faire disparaître encore plus de glace ce qui va réchauffer l’océan, etc… C’est un effet d’emballement appelé « Rétroaction glace-albédo »… Par rétroaction, on entend un impact d’un phénomène sur la cause qui l’a précédé. Vous suivez toujours ? Cette rétroaction glace-albédo explique pourquoi on pointe toujours les régions polaires comme les plus sensibles aux échauffement climatique : là bas, le réchauffement climatique y est amplifié. Voilà. Si vous n’avez pas compris, euh, bien, il faudra attendre mon retour ou aller sur google pour en savoir plus. En gros, je voulais vous dire, que mesurer l’albédo avec précision, c’est important.

Comment on mesure l’albédo ? On utilise un pyranomètre bidirectionnel. Un paranoquoi ? C’est un dispositif qui recueille à la fois la lumière du soleil (qui vient du haut) et la lumière réfléchie par la glace (qui vient du bas). Le pyranomètre a deux capteurs, l’un orienté vers le haut, l’autre vers le bas, situés chacun derrière une petite fenêtre pour les protéger. Regardez la photo, normalement vous comprendrez mieux.

Ces capteurs, qui transforment l’énergie lumineuse incidente en un signal électrique (une tension) qu’on fait passer dans un cable branché à un multimètre (un appareil qui sert à mesurer les tensions et les courants électriques). La valeur de la tension lue peut être transformée, par simple calcul, en une valeur d’intensité lumineuse (en Watts par mètres carrés), parce que le pyranomètre a été calibré avant. On lit donc sur le multimètre, deux tensions, correspondant aux deux capteurs, qu’on convertit en deux intensités lumineuses, l’une incidente (du soleil), et l’autre réfléchie (de la glace). Pour obtenir l’albédo, on divise l’intensité lumineuse réfléchie par l’intensité lumineuse incidente. Voilà, facile non ? Alors ici, sur notre glaçon, j’ai fait des mesures (beaucoup), le long d’une ligne marquée par des croix que des petits malins appellent « cimetière belge ». Les croix, c’est juste pour marquer avec précision l’endroit où je répète mes mesures. On les voit aussi sur une des photos. Les détails des données vous donneront sûrement l’envie d’arrêter de lire tout de suite, si ce n’est déjà fait.

C’est fait, j’ai réussi à faire un post scientifique ! Cela dit, il y a d’autres choses qui se passent à bord. Ca sent tout doucement la fin. Là, il est 11 heures du soir, on a passé la journée dehors, sur le site « Bruxelles », pour la cinquième et dernière fois. On a tout démonté et ça faisait drôle de quitter le site qui était devenu un peu chez nous. Il nous reste à aller à « Liège » une fois et puis c’est fini pour nous. Tout le monde est assis à sa table, occuper à vaquer à ses occupations. Fred qui est à côté de moi, est de garde, occuper à insulter son chromatographe à gaz en lui faisant passer encore et toujours ses échantillons. Isabelle fait des filtrations de glace fondue ou d’eau de mer pour les analyses biologiques. Et les autres, mmh, bon oui, ils ne font rien, mais ils sont fatigués et ils le méritent bien… Peut-être travaillent-ils ailleurs… Dans cinq minutes, de toutes façons, on va tous se retrouver au « midrat », le repas du soir qui est le moins abominable de tous en général. Je vais donc vous souhaiter la bonne nuit. Et me jeter sur la nourriture, en oubliant mes albédos ! N’oubliez pas : « et surtout… elle est blanche ».

Martin

jeudi 11 octobre 2007

Simba - Déroulement d'une "station"

Jeudi 11 Octobre,

Depuis notre dernier "post", notre rythme de vie s'est encore accéléré. Si la routine s'est installée, c'est une routine d'effervescence continue. Nous alternons jours sans soleil et nuits sans sommeil. J'exagère, mais à peine. Il est vrai que ces deux derniers jours nous ont offerts de magnifiques couchers de soleil…

Revenons un peu plus en détail sur ces dix derniers jours très actifs. Nous avons donc choisi deux sites contrastés, qui ont été baptisés Bruxelles et Liège, du nom des deux villes où sont situées les principales universités dont nous dépendons. Une troisième station aurait pu être appelée Louvain-la-Neuve, Martin dépendant de l'Université Catholique de Louvain, mais il n'y a que deux stations… Le plus étonnant est que cette dénomination a été reprise par nos amis américains. Cela étant nous sommes allés une étape plus loin aujourd'hui en rajoutant des petite tâches de couleur noires, jaune et rouge au blanc immaculé de la banquise. Ainsi, les couleurs de la Belgique fédérale flottent à nouveau, 110 ans après l'hivernage de la Belgica, sur ce même morceau de banquise, perdu au-delà du 70ème parallèle sud.

Nous échantillonnons ces deux stations tous les cinq jours suivant un cycle bien établi. 1er jour: Bruxelles, deuxième jour: laboratoire, troisième jour: Liège, quatrième et cinquième jour: laboratoire, et puis nous recommençons le cycle dans le même ordre. Aujourd'hui nous avons débuté notre troisième cycle en allant à Bruxelles (10 min en moto-neige, les bouchons sont rares). Les jours de "station", c'est-à-dire les jours où nous échantillonnons la glace peuvent être éprouvants. Il y a quatre jours, lorsque nous avons échantillonné Liège, le thermomètre augmenté du coefficient de refroidissement dû au vent affichait des température inférieures à - 40°C. Deux jours avant, nous étions restés près de 14 heures d'affilée sur la glace par -30°C. Ces jours de stations sont longs. Réveil avant 7 heures et à 7h15 nous chargeons dans un filet le gros du matériel. A 7h30 nous prenons un petit déjeuner, préparons quelques "tartines" et c'est séance d'habillage (entre 3 et 4 couches de vêtements pas forcément très légers). A 8h 30, tout le monde est sur la glace et nous arrimons tout notre matériel (200 kg de matériel environ sur trois traîneaux tirés par deux motos-neige). En général, il faut deux allers-retours sur le site pour amener matériel et personnel. Une fois arrivé sur le site, nous mettons un peu d'ordre dans les caisses sur la zone de déchargement, et nous commençons à transporter une partie du matériel vers notre site de prélèvement "propre". Une des grandes innovations de nos recherches est de travailler sur le fer dans et sous la glace. Ceci implique d'éviter toute contamination en fer de notre site. Ceci pose un problème: tout ce qui nous entoure, et en particulier le bateau, contient du fer et est susceptible de "contaminer" notre site.

C'est également vrai, pour le carbone, le CO2 et d'autres éléments que nous analysons. C'est pour cela, que nous avons choisis des sites de prélèvement "propres" éloignées du navire, et où seuls les membres de notre groupe (et occasionnellement quelques manchots) peuvent accéder après avoir revêtu une combinaison propre. Il est bien évident que les motos-neige ne peuvent
accéder à notre site; nous devons donc transporter une partie de notre matériel à la main.

Pendant que certains transportent et préparent le matériel, d'autre s'occupent d'équiper la zone en électricité, et c'est la traditionnelle étape de tirage de rallonges électriques sur plusieurs centaines de mètres et de démarrage de groupe électrogène récalcitrant (il nous fait systématiquement payer ses nuits passées à - 20°C). Mais le pire est encore devant nous, c'est la traditionnelle séance d'habillage en tenue propre (ou peau de Jeroen). C'est une petite combinaison quasi-intégrale en tissu léger. Les peintres s'en serve pour peindre, par exemple. En temps normal, ce n'est pas très contraignant à enfiler, mais en tenue polaire, c'est nettement plus délicat. Par des jours de grand vent, nous portons tellement de couches de vêtements, que nous pouvons à peine bouger la tête. En plus, pour des raisons de sécurité, nous devons porter des PFD (Personnal Floating Device - équipement personnel de flottaison) c'est-à-dire des combinaisons ou vestes assurant la flottaison ou un simple gilet de sauvetage. En ce qui me concerne, j'ai opté pour ce qui me paraissait le plus souple et plus léger, c'est-à-dire un gilet de sauvetage à gonflage automatique. Je porte donc trois couches de vêtement thermiques, mon blouson polaire grand froid (qui contient une feuille d'aluminium qui à tendance à se régidifier par grand froid) avec pas mal de choses dans les poches, plus un gilet de sauvetage avec ses cartouches de gaz. Par-dessus, je dois donc enfiler une combinaison propre quasi intégrale. Tout cela avec deux paires de gants, totalement incompatibles avec les petites fermetures éclairs des combinaisons. Il est bien évident, que les bottes "grands froid", ne rentrent pas dans la dite combinaison. La première étape est donc d'enlever ses chaussures, ce qui est une opération particulièrement pénible quand on a déjà du mal à se plier en deux, et délasser les dites chaussures avec les gants. Une fois sur deux, nous nous retrouvons en chaussettes dans la neige, un bon départ pour une journée à -30°C.

La deuxième difficulté est ensuite d'enfiler cette combinaison qui ne pense qu'à s'envoler avec le vent, puis de passer ses mains dans les manches et la remonter sans qu'elle craque. En général, il faut se faire aider pour cette délicate opération, car si nous achetons les plus grandes tailles existantes (XL), elles sont bien évidemment trop petites, pour un être normalement constitués qui est habillé pour les sports d'hiver. Cela étant, après dix bonnes minutes de bataille et de jurons, la combinaison est enfilé. Reste l'avant-dernière étape. Nous avons bien évidemment de bonnes chaussures prévues pour marcher dans la neige, avec des semelles en caoutchoucs sculptés pour éviter de glisser. Mais celles-ci sont contaminées par le bateau. Pour être propre, il faut donc enfiler par-dessus des sacs plastiques. Une fois la semelle de nos chaussure optimisée pour la neige emballé dans un plastique thermo soudable bien lisse, elle devient subitement beaucoup moins adhérente. Heureusement que nous n'avons pas à marcher sur des surface glissante comme de… la glace. Et bien si justement. L'ajustage des sacs plastiques se fait avec du "Duck" Tape, qui lui non plus n'adhère plus vraiment passé les -15°C et qui est particulièrement facile à découper avec des gants.

Parlant de gants, il est bien évident que nos gants pour le froid ne sont pas propres. Il nous faut dons par-dessus mettre des gants de laboratoire (en général c'est donc trois couches de gants superposés que nous portons), l'idéal pour les petites manipulations, comme changer les agrafes d'une agrafeuse récalcitrante et enneigée avec 50 km/h de vent et -18°C.

Une fois tout le monde habillé, l'électricité et le matériel en place (il est déjà 10-11 heures du matin), la station proprement dite commence. Jeroen, part en éclaireur délimiter la zone avec des drapeaux et échantillonne la neige tant que personne ne l'a foulé. Puis c'est le démarrage du carottage. Le carottage requière trois personnes. Il faut dire que notre carottier est relativement ambitieux, par rapport aux carottiers utilisés traditionnellement pour la glace de mer. Alors que ceux-ci sont généralement en plastique avec une section de 10 cm, le notre est 50% plus volumineux et 4 à 5 fois plus lourd car en métal traité. A plus gros carottier, plus gros moteur évidement. Aux commande de l'opération, Jean-Louis, qui la plupart du temps se charge du carottage proprement dit, c'est-à-dire de tenir le moteur qui ne demande qu'à vous faire tourner avec vous. Le carottage est une opération un peu physique qui a l'avantage de tenir au chaud. Il faut évidemment, se tenir un peu éveillé, pour éviter qu'une manche, ou un câble ne se prenne dans la rotation du carottier, ou pour éviter que des pièces du carottier, voire tout le carottier, soit emporté dans les trous que nous creusons dans la glace vers 2800 mètres de fond, tout cela en étant le plus propre possible. L'assemblage et le désassemblage du carottier, maintes fois répétés, demande un peu de travail d'équipe et de patience, car avec l'eau de mer qui gèle rapidement autour de certaines pièces, celles-ci montrent bien peu de volontarisme pour s'emboîter les unes dans les autres.

Une fois la carotte de glace extraite, il faut soit effectuer des mesures simples sur elles, la découper, ou l'emballer. Même l'emballage, peut poser des problèmes, il semble que ce soit la partie la plus délicate de toute la station, car Jean-Louis défend à toute personne n'ayant pas plusieurs années d'expériences et au moins un doctorat en science la manipulation des agrafeuse dont nous nous servons pour fermer les sacs plastiques. Il faut dire que nos deux agrafeuses sont soumises à des conditions d'utilisations un peu "hors - limites" et qu'elles s'enrayent facilement. Le désenrayage de ces petites machines délicates est cauchemardesque sur le terrain. Une fois le premier trou percé, une autre équipe se met en action qui va s'attaquer à un autre défi: prélever l'eau sous la glace. Prélever de l'eau n'est pas particulièrement un défi, c'est la garder à l'état liquide par des températures inférieures à -15° qui s'avère un peu plus délicat. Car cette eau de mer sous la glace est à son point de fusion (-1.8 C°), c'est-à-dire qu'elle est prête à geler instantanément si on la soumet à des températures inférieures -1.8°C. Hors, au dessus de la glace, il ne fait pas -1.8°C, mais -18°C. Autrement dit, ce n'est pas toujours évident d'évacuer les cristaux de glace qui se forment dans les tuyaux ou la pompe.

Fréquemment, des bouchons de glace se forment quelque part dans les tubes, et il faut alors lutter pour que le pompage reparte. Le tout en étant propre. Le petit plus c'est qu'évidemment de l'eau dégouline sur les doigts, et les gants mouillés ne sont pas très agréable à porter quand ils ont tendance à geler. Cela étant, tout cela ne sont que des aléas, et l'ensemble de la station se passe dans la bonne humeur, voir l'extase quand le soleil est de la partie.

Pendant ce temps, Nix mesure les flux air-glace de CO2 avec le SIES et la cloche, tandis que Martin se livre au plaisir des mesures expérimentales d'albédo (lumière absorbée/réfléchie) par la banquise. Quand Jeroen, Isabelle et Florence sont en forme, c'est plus d'une centaine de litres d'eau qui sont prélevés. Leur succèdent, Nix, Keith, Gauthier, Fred et moi-même, pour les prélèvements et mesures de gaz. Des volumes plus petits, mais avec de petits plus, comme la nécessité de prélever sans faire de bulles (et sans former de glace si possible), rajouter des réactifs qui eux aussi ont tendance à geler, ou faire marcher le SIES, une machine délicate qui mesure la concentration en CO2, mais qui encombrante, munies de plusieurs tuyaux, sondes, câbles électriques et dispositifs de chauffage peut s'avérer elle aussi un peu capricieuse.

Une fois le carottage et le prélèvement d'eau de mer terminée, la dernière grande étape est le prélèvement des saumures contenues dans la glace. Pour cela, on creuse des trous à mi-hauteur dans la glace. Les saumures - de l'eau de mer contenues dans les interstices de la glace qui s'est enrichie en sel ce qui l'empêche, percolent à travers la glace, et viennent remplir les trous. Il faut attendre quelques temps pour que les trous se remplissent, et être économe en eau, car s'il y a peu de risque que nous pompions tellement d'eau de mer que l'océan soit asséché, il y a relativement peu de saumures qui viennent remplir les trous. Cette étape peut donc s'étirer un peu en longueur, mais déjà les premiers prélèvements repartent vers le bateau et le matériel commence à être rangé dans les caisses. Le soleil commence à descendre sur l'horizon, et la lumière se fait plus chaude. C'est le moment où le regard embrasse un paysage hors du commun et que l'on goutte le privilège d'être là, au milieu de cette banquise, à la fois plane et chaotique, parsemée d'icebergs étincelants. C'est également la satisfaction d'avoir pu accomplir une station supplémentaire, ramener une nouvelle série de donnée. Toutefois la journée n'est pas finie, car une fois de retour au bateau, s'est le travail de laboratoire - traitement, analyse ou conditionnement des échantillons, incubations - qui commence. La journée a été longue, la soirée le sera aussi…

Bruno

lundi 1 octobre 2007

Simba - Ice Station Belgica : 110 ans plus tard

1er Octobre, Ice station Belgica

C’est avec beaucoup de fierté que nous vous annonçons en ce 1er octobre 2007 la naissance de notre « process station » (ou station d’étude des processus temporels). Malgré une grossesse d’un mois plutôt difficile remplie d’émotions fortes, l’accouchement s’est relativement bien passé puisqu’il n’a fallu qu’un jour au père (Jean-Louis) et à la mère (Bruno - désolé il fallait bien choisir l’un d’entre vous pour compléter cette métaphore ;)) pour trouver un terrain d’entente. Ses nombreux parrains et marraines assisteront les parents durant les 24 prochains jours, lui apportant tous les soins nécessaires pour assurer de bons résultats dans le futur. Le baptême vient d’avoir lieu, notre station portera le doux nom de « Ice Station Belgica ».

« Ice Station Belgica », c’est avec un peu d’audace (9 icebergs belges perdus au milieu d’un océan américain) mais surtout avec beaucoup de fierté que nous avons réussi à imposer ce nom pour le morceau de banquise qui nous servira de laboratoire à ciel ouvert pendant toute la durée du prochain mois. Belgica c’est avant tout la bannière qui nous rassemble (Belges du nord, du centre, du sud, Néerlandais et même Perpignanais ; quelle union improbable mais qui fonctionne cependant à merveille et toujours dans la bonne entente, comme quoi!). C’est aussi le nom d’un illustre ancêtre, celui d’un bateau, d’une expédition qui marqua les premiers temps des aventures polaires modernes et qui aujourd’hui encore reste gravé dans nos mémoires comme peut-être l’un des plus bels exploits belges. Cet exploit c’est celui du capitaine Adrien de Gerlache, de son navire la Belgica et de son équipage. Laissez-nous vous le compter.

L’histoire commence à la fin du 19ième siècle. Un ancien étudiant en polytechnique de l’Université Libre de Bruxelles, Adrien de Gerlache, décide de mettre sur pied une expédition vers l’Antarctique, la première sous pavillon belge. C’est dans un contexte scientifique international résolument tourné vers l’exploration de l’Antarctique et de l’océan Austral (la charnière entre le 18ième et le 19ième siècle concentrant la plupart des grandes expéditions et découvertes du continent blanc ; la course au pôle sud de Scott et Amundsen, les nombreux périples de Shackleton, l’hivernage de Borchgrevink) que de Gerlache tente de réunir l’argent nécessaire pour son projet. Après quelques souscriptions et l’organisation de nombreux événements pour récolter des fonds, les 300000 Fb (de l’époque) sont collectés et l’expédition est financièrement prête à être mise sur pied. Reste encore à trouver le navire et l’équipage. Adrien de Gerlache rachète ainsi un trois mâts de pêche norvégien pour 50000 couronnes et le rebaptise Belgica. Le navire possède une coque renforcée par des bandes de fonte, ce qui lui offre une meilleure résistance aux chocs de la glace. Ses dimensions sont assez modestes, 34,6 m de long pour 7,5 m de large (en comparaison, le Nathaniel B. Palmer, l’hôte de notre expédition, mesure 93,8 m de long pour 18,2 m de large). L’équipage du bateau sera quant à lui cosmopolite aussi bien au niveau des horizons professionnels que de la nationalité. On retrouvera ainsi à bord un géologue polonais (Arctowski), un physicien du globe (Danco), un photographe et médecin américain (Frédérick Cook), un zoologue et botaniste roumain (Racovitza) et même le célèbre explorateur norvégien Amundsen. L’orientation de la mission est définitivement scientifique, en témoigne la grande quantité de matériel emporté à bord.

Le 16 août 1897, à huit heures du matin, tout est fin près et la Belgica quitte le port d’Anvers direction l’Antarctique. L’objectif initial de la mission est la reconnaissance de la mer George V. Après cela, de Gerlache planifie d’hiverner sur la Terre Victoria avec trois de ses compagnons, laissant la Belgica se réapprovisionner à Melbourne. Il en sera tout autrement.

Mis à part la mort tragique d’un jeune matelot (Auguste-Karl Wiencke) par noyade lors d’une tempête, le début de l’expédition se passe relativement bien et dès le début de l’année 1898 l’équipage de la Belgica entame l’exploration des côtes de la péninsule Antarctique (on retrouve la trace de ces découvertes dans la toponymie des lieu - détroit de Gerlache ou encore île d’Anvers sur laquelle, pour l’anecdote, se trouve la base américaine Palmer dans laquelle nous avons fait une halte après l’incendie sur le bateau). Les scientifiques à bord prélèvent également de nombreux échantillons et multiplient les mesures. Biologie, géologie, météorologie, pas une science naturelle n’est épargnée.

C’est le 18 février 1898 que l’expédition va réellement se transformer, contre la volonté du capitaine (quoique !), en épopée héroïque. S’engouffrant dans une large zone d’eau libre dans la banquise, de Gerlache tente d’amener la Belgica un peu plus vers le sud. Cependant, dès le 5 mars 1898, le navire est bloqué par les glaces par 70° de latitude. Si la puissance motrice actuelle des plus grands brise-glaces (plus de 12000 chevaux pour le Nathaniel B. Palmer) et le poids de ceux-ci leur permettent sans trop de difficultés de se dégager d’une banquise épaisse de plus d’1 m, il en va tout autrement pour un voilier du 19ième siècle beaucoup plus léger. La Belgica prise par la glace, l’équipage est donc condamné à hiverner dans la banquise Antarctique, une première dans l’histoire. Une première mais dangereuse à de nombreux points de vue. Le navire disposant de suffisamment de combustibles et de nourriture pour l’ensemble de l’hiver, ce n’est pas vraiment la faim et le froid qui menace les hommes mais d’autres périls plus pernicieux. Ainsi, la banquise en continuel mouvement peut venir briser la coque par la pression qu’elle exerce sur celle-ci, soumettant l’équipage à un abandon du navire peu enviable (c'est ce qui arriva quelques années plus tard à l'Endurance de Shackelton). L’autre principal danger concerne la santé physique et mentale des hommes qui se dégrade au fur et à mesure des longues heures de nuit polaire. Alors, pour garder les troupes actives, de Gerlache organise toutes sortes d’activités. Depuis les mesures scientifiques quotidiennes jusqu’aux excursions sur la glace en passant par les inévitables travaux de déblayage de la neige, tout est mis en oeuvre pour lutter contre le marasme et la dépression. Malgré toutes les précautions alimentaires et sanitaires, Emile Danco, l’ancien lieutenant d’artillerie reconvertit en physicien, décède d’une affection cardiaque.

En janvier, alors que la glace se réchauffe et après un peu plus de 10 mois passés dans la glace, l’équipage entrevoit enfin un échappatoire avec l’apparition d’une zone d’eau libre à environ 600 m du navire. Il n’en faut pas moins pour que de Gerlache décide d’attaquer la banquise à l’aide de coups de pioche, de dynamite et de scies pour libérer la Belgica et la rendre à son élément naturel. Et ça marche ! Après 2 mois d’efforts soutenus, le trois mâts est enfin libre et peut à nouveau voguer de zones d’eau libre en zones d’eau libre vers l’océan. Ce n’est qu’une année plus tard, le 5 novembre 1899 que l’expédition se termine enfin. De retour dans le port d’Anvers, la Belgica est acclamée par les nombreux badauds venus admirer et féliciter ces nouveaux héros.


Tout au long de leur périple, les hommes de de Gerlache auront collecté des quantités phénoménales d’échantillons divers, effectué de nombreuses mesures et apporté à la science un set d’observations météorologiques complet durant une année entière.En ce moment, le destin ou le hasard, appelez le comme vous le voulez, a placé notre navire à quelques kilomètres seulement de l’endroit où la Belgica effectua son héroïque hivernage. Se sentir si proche spatialement d’Adrien de Gerlache et de ses hommes remplit nos coeurs d’émotion et nous offre une belle occasion de débuter cette année polaire internationale en mettant une fois de plus les couleurs de notre pays aux premières places de la grande aventure antarctique. Intéressé ?

Gauthier

Je tiens à remercier Claude De Broyer, chercheur à l’Institut des Sciences Naturelles, pour l’accès à sa documentation et sa disponibilité

dimanche 30 septembre 2007

Simba - Phaeocystis, krill, phoques et autres compagnons polaires

Dimanche 30 septembre.

Même si les conditions climatiques rigoureuses qui règnent sur les régions polaires semblent être un obstacle infranchissable au développement de la vie, la banquise, comme tous les biomes terrestres, abrite de nombreuses espèces animales et végétales. Dans le post d'aujourd'hui, nous tenterons d'introduire la faune et la flore que nous côtoierons tout au long de notre odyssée tout en vous donnant quelques informations complémentaires concernant leur habitat et leur mode de vie.

Chaque écosystème sur Terre peut être représenté par une pyramide alimentaire dont chaque étage correspond à un ensemble intégré d'organismes vivants. Considérons un instant la pyramide de la banquise antarctique.

A la base de celle-ci, nous retrouvons des microorganismes algaux (dont la taille varie selon l'espèce, de 2 à 200 µm en première approximation). Ces organismes utilisent le dioxyde de carbone (CO2) et la lumière émise par le soleil pour produire leur énergie selon le principe général de la photosynthèse (6 CO2 + 6 H2O --> C6H12O6 + 6 O2), libérant par la même occasion de l'oxygène. Cette production d'énergie sans assimilation d'autres organismes vivants est appelée autotrophie (par opposition à hétérotrophie). A l'instar des végétaux de nos forêts, ces algues microscopiques, en recyclant le CO2 en oxygène, jouent un rôle capital dans la régulation du climat. Lors de la formation de la banquise, ces algues se retrouvent emprisonnées par différents processus dans la glace, formant des concentrations d'individus dépassant largement celles rencontrées dans les eaux sous-jacentes. Ces fortes populations, intégrées sur la surface totale de la banquise (extension maximale de 20 millions de km²), et à l'impact climatique largement démontré, focalisent l'attention de nombreux chercheurs. Les nécessités d'adaptation de ces algues, dites psychrotrophes (organismes vivants à des températures inférieures à 0°C), aux conditions du milieu - impliquant par exemple la sécrétion de composés chimiques tels que le DMSP (acronyme du composé soufré diméthylsulfoniopropionate) - suscitent également l'intérêt de la communauté scientifique.

Passons maintenant à l'étage supérieur de notre pyramide alimentaire où nous rencontrons les organismes hétérotrophes (c'est-à-dire des organismes qui mangent les autres pour simplifier) de petites dimensions, dont la taille est généralement inférieure à 5 mm. On y retrouve entre autre des protozoaires et copepodes. Ces organismes acquièrent leur énergie en se nourrissant des micro-algues occupant l'étage précédent de la pyramide, ou d'organismes hétérotrophes plus petits qu'eux. Pour effectuer cet acte de prédation sur les algues emprisonnées dans la glace de mer, ces organismes hétérotrophes peuvent pénétrer dans la banquise via les chenaux de saumure (ces petites inclusions d'eau liquide très saline évoquées précédemment par Jean-Louis). Certaines espèces étant toutefois trop grandes pour s'insinuer dans le réseau de saumures, la glace de mer peut être considérée comme un abri pour les algues qui y sont logées. Une des espèces emblématiques des organismes hétérotrophe que l'on rencontre fréquemment dans et sous la glace de mer porte le nom scientifique d'Euphausia superba (plus communément appelé krill). Si la taille du krill adulte ne permet pas la colonisation des saumures, le krill juvénile lui se rencontre fréquemment dans la glace. D'un point de vue taxonomique, le krill appartient au superordre des Eucarida, au même titre que les crabes, crevettes et homards. Ils partagent avec ceux-ci quelques caractéristiques anatomiques telles qu'une carapace dorsale segmentée bien développée et des yeux proéminents. Le krill possède également des organes luminescents (comme les lucioles que l'on aperçoit parfois dans nos régions), utilisés probablement comme voie de communication entre les différents individus. Ces individus utilisent leurs appendices thoraciques comme organe de filtration de l'eau de mer pour capturer les micro-algues. En plus d'être un consommateur d'algues - on peut dire brouteur-, le krill se révèle être la principale source de nourriture pour le prochain étage de notre pyramide alimentaire.

En effet, la plupart des grands organismes vivants que l'on rencontre en Antarctique et dans l'océan Austral qui l'entoure se nourrissent essentiellement de zooplancton. Les différentes espèces de baleines par exemple filtrent l'eau de mer à l'aide de leurs fanons pour capturer le krill. Certaines baleines, possédant plusieurs centaines de fanons, peuvent consommer jusqu'à 2 tonnes de krill par jour. Cette quantité phénoménale de nourriture se justifie par la taille exceptionnelle de ces organismes qui sont de loin les plus grands animaux vivants sur Terre. Ainsi, la baleine bleue (Balaenoptera musculus) peut atteindre 30 m de long pour un poids de 180 tonnes. La répartition de ces grands et fascinants animaux à la surface du globe n'est pas homogène et varie fortement avec l'espèce. Certaines sont inféodées à l'hémisphère nord, d'autres à l'hémisphère sud, certaines encore sont relativement bien dispersées comme la baleine bleue que l'on retrouve dans la quasi-totalité des mers et océans du monde. Ces grands cétacés sont généralement facilement observables à la surface des eaux où ils viennent respirer régulièrement. Malheureusement, des années de pêche commerciale non réglementée ont fortement réduit le nombre d'individus et il devient de plus en plus rare d'en apercevoir. Au cours de notre périple, Brent, le spécialiste des mammifères marins qui nous accompagne, a eu l'occasion d'observer à quelques reprises l'espèce Balaenoptera bonaerensis (ou baleine antarctique de Minke).

D'autres mammifères beaucoup plus fréquents et bien connus du grand public se nourrissent également de krill (non exclusivement dans ce cas-ci). Il s'agit des nombreux phoques que l'on observe aussi bien dans l'eau que sur la banquise. Phoque de Ross, phoque de Weddell ou léopard de mer, autant d'espèces que l'on peut observer étendues sur la glace depuis le pont du bateau (la notion de sieste étant très répandue chez les pinnipèdes). Les phoques possèdent une couche de graisse particulièrement importante sous leur peau qui isole leur corps et leur permet de vivre à des températures très inférieures à 0°C. Ils possèdent également des pattes palmées, forme idéale pour des plongées à de grandes profondeurs (jusqu'à 750 m environ pour le phoque de Ross).

Le troisième animal emblématique de cet étage de la pyramide est le manchot. Il convient avant tout de rappeler que les manchots se rencontrent exclusivement en Antarctique, l'hémisphère nord étant le domaine des pingouins (qui volent et que l'on peut parfois rencontrer sur la côte belge). Nous avons actuellement pu observer deux espèces de manchots, l'une étant le manchot empereur (Aptenodytes forsteri), l'autre, de taille plus modeste, étant le manchot Adélie (Pygoscelis adeliae). Ils sont facilement discernable grâce notamment à la coloration jaune-orange d'une partie du cou et de la tête du manchot empereur. Rencontrer un manchot est peut-être l'expérience la plus insolite qu'un chercheur peut vivre sur le terrain lorsqu'il étudie la glace de mer. En effet, ces oiseaux aux ailes atrophiées sont souvent bien curieux et surtout peu peureux. Il leur arrive ainsi fréquemment de s'approcher d'un groupe de terrain et de rester à proximité de celui-ci, donnant l'impression de contrôler le travail accompli, leur caractère anthropomorphe renforçant encore plus l'étonnement que suscite leur rencontre.

Au sommet de la pyramide, on retrouve le super prédateur de l'Antarctique, un autre cétacé mais un delphinideae (dauphin) cette fois-ci, Orcinus orca, l'orque. Les nombreux orques que nous pouvons admirer dans les parcs aquatiques et les films hollywoodiens ne doivent pas nous faire oublier que l'orque reste un des prédateurs les plus efficaces de l'océan (son nom anglais, Killer Whale - baleine tueuse -, étant assez évocateur à ce point de vue). L'orque est considéré comme le plus grand des delphinideae, le mâle adulte pouvant atteindre 9 m et peser un peu plus de 6 tonnes. C'est le cétacé le plus largement distribué sur Terre. Ses mâchoires supérieures et inférieures sont constituées de 10 à 14 paires de dents et il chasse souvent en groupes organisés. Ses proies sont aussi variées que nombreuses. Ainsi, l'orque se nourrit de phoques, manchots, poissons et même de petites baleines. On le retrouve la plupart du temps à proximité de la zone marginale des banquises ou dans les grands chenaux d'eau qui serpentent parfois entre les plaques de glace.Pour être tout à fait complet, il convient de mentionner la présence de bactéries qui dégradent la matière organique morte (cadavres des animaux par exemple), rendant ainsi les nutriments à nouveau disponibles pour les espèces du sommet de la pyramide. Ce recyclage permet en fait de faire le lien entre le dernier étage du super prédateur et le premier étage des micro-algues, transformant ainsi la pyramide en chaîne alimentaire. Chaque organisme des étages supérieurs dépend donc des organismes des étages inférieurs, toute perturbation d'un étage affectant irrémédiablement les autres étages. Ainsi va la cyclicité du monde animal.

Question : Pourquoi ne rencontre-t-on pas d'ours polaires en Antarctique ?
Gauthier.
Colonie de Phaeocystis antarctica, une micro-algue (Source : Smithsonian Environmental Research Center)

Euphausia superba à bord du Nathaniel B. Palmer (Source : Bobby Acha)

Lobodon carcinophaga à proximité du bateau dans la mer de Belingshausen (Source : Mike Lewis)

Manchot Adélie sur la pack ice de la mer de Bellingshausen (Source : Carnat Gauthier)

samedi 29 septembre 2007

Simba - First Sea Ice Party

Samedi 29 septembre (70° 40'791 S ; 91°51'579 O)

Et voilà, depuis le 25 septembre nous sommes dans la banquise, en mer de Bellingshausen, au-delà du cercle polaire. Les choses sérieuses commencent avec les premières journées de travail sur la glace. Nous avons échantillonné la banquise dès notre entrée dans la glace lors de courtes périodes de 3h environ (ice station). Lors de ces arrêts ponctuels (3), des carottes de glace ainsi que de la saumure on été prélevées afin de pouvoir y étudier différents paramètres. Chaque carotte est assignée à une ou plusieurs variables, mesurées sur le terrain, sur le bateau ou une fois rentré en Belgique:

* Variables physiques comme la température et la salinité «in situ», variables directement mesurées sur la glace.

* Variables biologiques comme les nutriments, la chlorophylle.

* Variables chimiques comme les différents gaz (CO2, DMS, O2, N2) et le fer.

La partie comique de l’échantillonnage consiste à enfiler, sur la glace, des combinaisons propres ainsi que d’emballer nos chaussures avec des sacs en plastique afin d’éviter toute contamination pour notre ami «IronMan» (Jeroen de Jong). C’est ainsi que «Holiday on Ice» commence! Ensuite, en prenant bien garde aux directives soutenues, mais toujours efficaces de JayLo (notre très cher Mr. Tison), le carottage est entamé. A l’aide d’une foreuse et d’une mèche creuse («corer»), la carotte est prélevée, sortie de la glace et stockée dans un sac d’échantillonnage en plastique.

Après ces premières mises en jambes nous nous sommes dirigés vers la station principale, une large zone de banquise qui nous servira de laboratoire à ciel ouvert pour le mois qui vient (Isa et Flo vous en parleront plus en détails!). Aujourd’hui, sous un blizzard cinglant avec des rafales entre 8 et 10 beauforts, nous préparons notre matériel pour les premiers repérages sur la station principale, la «process station».

News en bref:

* Fred poursuit sa calibration pour ces mesures de DMS,

* Flo peste contre les américains au sujet de leurs consignes de «sécurité», travailler avec des produits radioactifs présente certains désavantages,

* Isa filtre et s’apprête à filtrer les échantillons de glace pourmesurer la chlorophylle-a,

* Martin, notre modélisateur, apprivoise ses deux mains pour des menus travaux (mesure de bilans d’énergie),

* JayLo pense à mettre son lit dans la chambre froide où il passe de nombreuses heures à découper les carottes pour le reste de l’équipe,

* Bruno, yeh yeh yeh yeh!

* IronMan nous apprend le néerlandais tout en continuant à filtrer ces échantillons pour mesurer le fer,

* Gauthier et Nix, écrivent le blog (entre autres choses) ;-)


Q1: Quelle est la latitude exacte du cercle polaire, comment est il défini et en quoi est-il particulier?

Q2: A combien de km/h correspondent les 8 à 10 beauforts?



Nix et Gauthier



Photo de groupe d’une station de nuit (avec de gauche à droite: Nix,IronMan, JayLo, Bruno, Gauthier), illustration du corer ou comment faireune carotte de glace et enfin travaille en compagnie des manchots!