samedi 8 septembre 2007

Simba - Attente

Samedi 8 janvier, Palmer Station,

Nous avons passé la journée dans la baie qui entoure Palmer Station. Loin de nous à Denver, ou se trouve le siège de la société qui s'occupe de la logistique du programme antarctique américain, de nombreux coups de téléphone sont donnés pour décider de la marche à suivre. Nous n'avons que peu d'influence sur le cours des choses et nous contemplons, philosophes, ce monde de glace qui étincelle sous un soleil magnifique. C'est le grand beau dans la péninsule antarctique. Pas de vent, une lumière très forte, et une envie difficile à réprimer de débarquer et de se lancer à l'assaut de ces contrées rarement foulées par l'homme. C'est également un jour parfait pour observer les quelques animaux qui nous entourent. Les plus attentifs d'entre nous ont déjà observé une large palette d'animaux antarctiques, et notamment Brent Stewart pour qui la passion des animaux et de leur observation est devenue un métier. Jour après jour, il passe le plus clair de son temps à observer, identifier et compter les animaux qui nous entourent. Son tableau de "chasse" depuis notre départ est déjà impressionnant. Pour nous qui ne pouvons passer beaucoup de temps à observer les alentours, il est plus difficile d'apercevoir tous ces animaux, car ils sont encore peu nombreux et les rencontres sont fugaces. Toutefois, dans quelques semaines ces rencontres devraient devenir de plus en plus fréquentes.
J'ai toujours été impressionné par l'effusion de vie que l'on rencontre sur les côtes de l'Océan Austral (l'océan qui s'étend grossièrement de 43 °S jusqu'à l'antarctique, parcourant les bassins océaniques Atlantique, Indien et Pacifique). C'est au-delà des paysages, un des aspects les plus frappant de ces contrées Australes. En effet, les animaux ici n'ont peu ou pas de prédateurs terrestres (mis à part sur quelques îles subantarctiques). Pour la majorité d'entre eux, il n'y a donc pas de danger à terre qui est un havre de repos. Alors qu'en Arctique, la menace réelle des ours blancs, fait que les phoques et les autres animaux sont toujours sur le qui vive, il n'y a qu'à voir un éléphant de mer dormir du sommeil du bienheureux (une dénotation peu scientifique, mais très représentative), se prélasser au soleil, pour prendre conscience qu'aucun danger à court terme ne les menace. Aussi, pour ces animaux qui ne s'attendent pas à voir un prédateur, l'homme, chose rare, n'est pas identifié comme un prédateur, mais comme un autre animal quelconque de 1,75 m. Et toute la magie est là, et à ma connaissance, on ne la rencontre nulle part ailleurs, excepté peut-être sous l'eau. Lorsque l'on randonne sur une plage subantarctique, les animaux plus petits que l'homme s'éloignent de quelques mètres au plus (sauf les plus craintifs), tandis que l'homme s'éloigne de quelques mètres des animaux plus grand que lui (un éléphant de mer de 4 tonnes par exemple), reprenant une place un peu plus logique dans le règne animal. Les plages subantarctiques au moment de la reproduction concentrent tous les animaux vivant normalement dans des milliers de kilomètres aux alentours. C'est alors l'explosion de vie. Alors que sur les autres continents, les rencontres avec des animaux sauvages sont difficiles et fugaces, ici l'homme se retrouve immergé au milieu d'animaux, de cris, d'odeurs, où se mêlent naissance et mort, une nature à l'état "brut" et indifférente à son statut d'"homme". Personne ne peut oublier un tel choc.
J'espère que les plus jeunes de notre équipe pourront connaître un jour, dans ces îles subantarctiques, cette émotion qu'est de s'asseoir près d'une colonie de manchots royaux et de se laisser entourer par elle, de s'éloigner prudemment d'une otarie fermement décidée à défendre son territoire et qui le montre clairement. Ce type de comportement n'est possible qu'au nord du 60 ième parallèle sud, car au-delà, dans le cadre du traité de l'antarctique, il est demandé à tous de ne pas s'approcher des animaux. Quoique là encore, que faire quand ce sont les animaux qui s'approchent de vous pour vous regarder travailler et inspecter les caisses d'équipement, ce qui est fréquent avec les manchots qui sont des animaux particulièrement curieux…

Bruno

vendredi 7 septembre 2007

Simba - Euphorie et inquiétude

Vendredi 7 Septembre, Palmer Station,

Nous avons enfin pu enfin fouler l'Antarctique. Un moment plein d'émotion qui commence par une traversée en zodiac à travers les blocs de glace. La banquise n'est pas un endroit très praticable pour des boudins en plastique, mais nous y sommes. Aux alentours le paysage est fantastique. La banquise d'un coté, des glaciers en pente douce qui se termine par des falaises plongeant dans la mer, et plus loin des montagnes escarpés prise dans une gangue de glace. Le temps varie entre le grand beau et les averses de neige.
Nous sommes chaleureusement accueilli par la quinzaine d'occupants de la station que nous sortons de leur torpeur hivernale. Ils n'ont vu personne depuis trois mois, et maintenant la population vient de quadrupler. La station est très confortable, est équipée avec un accès à Internet, un bar et magasin bien rempli. Fièvre des e-mails après un petit sevrage d'une semaine, séance shopping dans ce qui est un des plus grand centre commercial de l'antarctique, un croisement entre un night-shop et une boutique souvenir et première bière dans le mess de la station. Les conversation s'animent autour de la table de billard, la soirée s'annonce chaleureuse.
Vers 20 heures, coup de tonnerre. Tous les participants à la campagne sont conviés à assister à une vidéoconférence avec Denver, où se trouvent les autorités chargées de la logistique Antarctique. Objet de cet entretien high-tech, nous devons retourner à Punta-Arenas faire des analyses complémentaires de la qualité de l'air à bord du navire ainsi que pour réparer une partie de l'électronique scientifique. C'est l'abattement, car ce retour signifie peut-être la fin précipitée de la campagne. Nous en saurons plus dans les jours qui viennent.

Bruno

jeudi 6 septembre 2007

Simba - Ile d'Anvers


Jeudi 6 Septembre, Palmer Station, Anvers Island, Péninsule Antarctique.

Le feu a eu ses aspects positifs. Bien que notre route ait été déviée et l’échantillonnage retardé, on va mettre pied à terre sur le sixième continent !

Le Mont Williams le long de l'ile d'Anvers...

Minuit, tout le monde debout et cette fois-ci l’ambiance est nettement plus souriante qu’il y a deux jours. Vers 23 heures, le bateau a ralenti et allumé ses 5 projecteurs de poursuite. Vers 23 heures 30, nous croisons nos premiers "pancakes", petits glaçons arrondis très caractéristiques. A minuit, nous ressentons quelques soubresauts, ça y est nous y sommes, le bateau rentre dans la banquise. Tout le monde est sur le pont et pour beaucoup c'est l'émotion. On immortalise cette nuit un peu magique, où sous les flocons, nous voyons défiler sous nos pieds, cette banquise que beaucoup ont espéré voir depuis longtemps.

La glace de mer, c’est bien, mais le continent Antarctique c’est mieux, enfin non, c’est pas mieux, mais c’est différent, puis ça nous met du baume au cœur de voir des belles choses après ce travail de nettoyage incroyable dont la meilleure conclusion est probablement : la suie, ça colle et ça s’immisce partout. En plus, on pourra aller ramasser des cailloux, acheter un t-shirt « I was there » qui fera très tendance à notre retour.

Depuis que nous avons abordé les côtes de l’île d’Anvers, à l’ouest de la Péninsule, avec des vues magnifiques, l’excitation s’est emparée de l’équipe. La journée – pour ceux qui n’avaient pas trop de travail – a été rythmée par la succession des paysages englacés, du repérage des différents types de glaces, mais aussi des animaux qui y vivent (phoques, baleines, oiseaux marins …). A l’heure où j’écris ce message, le bateau est occupé à creuser une route pour nous permettre de rejoindre la base en zodiac. Dès que c’est fait, on file …

De la région où la première expédition polaire belge a mis les pieds au début du siècle, le lendemain de l’ouverture au public de la future Base antarctique belge (j’espère que vous profiterez tous de l’occasion pour aller la visiter à Tour et Taxis à Bruxelles !), on est fiers et on espère tous que la Belgique se porte bien !

A très bientôt,

Martin et Bruno

mercredi 5 septembre 2007

Simba - Grand nettoyage

Mercredi 5 septembre, Passage de Drake.

La journée se passe à manier l’aspirateur et l’éponge avec vigueur et patience. La suie s’est immiscée partout dans plusieurs laboratoires et nous nous initions aux joies du nettoyage après sinistre.

The Belgian Cleaning Team. De gauche a droite et de haut en bas : Nicolas-Xavier Geilfus, Frederic Brabant, Gauthier Carnat, Jeroen de Jong, Florence Masson, Martin Vancoppenolle, Bruno Delille, Isabelle Dumont et Jean-Louis Tison.

Il faut nettoyer les instruments un à un, ouvrir tous les ordinateurs qui étaient restés allumés car leurs ventilateurs d’aérations ont insufflé de la suie à l’intérieur. Des dizaines d’écrans et d’ordinateurs, des « baies » remplies d’instruments, des kilomètres des câbles, sont recouvert d’une fine pellicule de suie, grasse et collante qui ne s’enlève pas facilement. Bref, il y a de quoi nous occuper. Jean-louis et moi passons deux heures pour une imprimante laser, Nicolas 4 heures pour 4 étagères remplies de livres, etc… mais tout ceci se déroule dans la bonne humeur et tout le monde participe. Au soir, les murs et les plafonds ont repris leur couleur blanche, mais il reste encore des dizaines d’appareils à nettoyer. Et l’odeur de la suie subsiste. Cette odeur nous accompagnera vraisemblablement durant une bonne partie du voyage, une invitée surprise dont nous nous serions bien passé. Quoiqu’il en soit le moral est bon, car demain nous toucherons l’Antarctique !

Bruno.

mardi 4 septembre 2007

Simba - Un feu dans le labo biologique

Mardi 4 septembre, Passage de Drake.

À 2h50, tout le navire a été réveillé par les sirènes et sonneries du bateau. La veille nous avaient été expliquées les consignes de sécurité. Nous avons pu les mettre en pratique sans délai. Réveillés en pestant contre un exercice de sécurité à une telle heure, l’odeur dans les couloirs, les équipes de marins qui foncent dans les coursives et les crépitements des radios de bord nous ont rapidement indiqués que l’affaire devait être autrement plus sérieuse qu’un simple exercice de sécurité.

En 5 minutes, grâce à l’encadrement des marins, qui ont réagi très vite, nous voici à nouveau tous au point de rassemblement, dans un défilé assez hétéroclite de morceaux d’équipements polaires enfilés sur des pyjamas. Les visages sont un peu moins détendus que la veille. Nous suivons l’évolution des opérations de secours à la radio. Rapidement, il apparaît que personne n’est manquant, mais reste que le pont principal est envahi par la fumée. Nous suivons la progression des équipes d’incendie et nous entendons égrener les noms de nos laboratoires où sont entassés nos instruments, au fur et à mesures que ceux-ci apparaissent dégagés. La source de la fumée est rapidement localisée dans le labo biologique, où sont stockés 3 litres d’acétone, un solvant inflammable nécessaire à la mesure de la chlorophylle a. Les visages se détendent peu à peu, la situation ne semble pas être dangereuse pour l’intégrité du navire et les marins savent ce qu’ils ont à faire, mais il y aura malheureusement de la casse.

Vers 4 heures, nous pouvons retourner à nos cabines, pour un demi-sommeil, dans l’odeur un peu acre de la suie, et le froid puisque toutes les portes sont ouvertes par 58°S. 7h30, réveil par le chef scientifique pour nous prévenir d’une réunion à 8h30 pour faire le point. Coup d’œil à la télévision de notre chambre, toutes les caméras du circuit vidéo interne fonctionnent mais tous les canaux de visualisation des paramètres de bord ont disparus indiquant que toute l’électronique scientifique de bord a été arrêtée.

Au cours de la réunion, il apparaît que ni le bateau, ni la campagne ne sont menacés. Un seul laboratoire a été touché (et rendu inutilisable), un de ceux où le groupe belge n’a que très peu de matériel. Les laboratoires principaux ont été malheureusement été envahis par une épaisse fumée et sont recouvert de suie. Nous sommes déroutés vers la base américaine « Palmer » situés sur la péninsule antarctique, pour refaire le plein de moyens anti-feu et essayer de récupérer une partie du matériel qui a été détruit. Il semble vraisemblable que moyennant un peu de bonne volonté, quelques réarrangements, une (ou plusieurs) journée de nettoyage, nous puissions mener à bien la campagne avec quelques jours de retard.

Le moral est bon et le reste de la journée se passe en grand nettoyage. Un des plus délicats instruments que nous utilisons, le chromatographe en phase gazeuse, est rempli de suie, et il faudra quasiment une journée de travail pour Fred, Gauthier et Jean-Louis pour le nettoyer. Et demain il faudra s’y remettre.

Bruno

lundi 3 septembre 2007

Simba - Premier jour dans le Passage de Drake

Lundi 3 septembre, Passage de Drake.

La journée se passe relativement paisiblement en alternant réunions scientifiques et réunion de sécurité. Cette dernière étant la plus folklorique, puisque qu’en cas de danger nous devons emmener avec nous un gilet de sauvetage et une combinaison de survie en plus des vêtements chauds. Nous avons d’abord vérifié l’intégrité de nos gilets de sauvetage avant d’enfiler notre combinaison de survie, indispensable dans ces eaux très froide pour ne pas être tétanisé dans les cinq minutes qui suivraient une immersion. Chacun a dû enfiler la sienne. C’est un exercice de contorsion, moins évident qu’il n’y paraît au premier abord, et certainement encore moins évident à effectuer dans des conditions réelles. Dans ces combinaisons uni-taille, et, faut il ajouter, unisexe, force est de constater que nous avons tous l’air patauds et passablement ridicules, des sumotoris en combinaison néoprène ou quelque chose d’approchant. Vint ensuite la visite des embarcations de sauvetage; ici pas de Titanic, il y aurait de la place pour tout le monde, mais plutôt une version marine des dernières attractions du parc d’attraction « Walibi », entassé et sanglés dans un petit espace qui doit pouvoir tourner dans tous les sens. Sécurité et frissons assurés en quelques sortes. Je préférais ne pas avoir à prendre un ticket pour ces capsules rouges…

Bruno.

dimanche 2 septembre 2007

Simba - Détroit de Magellan


Dimanche 2 septembre, détroit de Magellan.


Hier soir, vers 21 heures, après avoir reçu les pièces pour la vanne de Fred et les produits chimiques d’Isabelle, le NBP, à fait route au Sud-Est, pour suivre les chenaux de Magellan et notamment le chenal principal qui sépare la Patagonie de la « Terre de Feu » extrémité sud du Chili et de l’Argentine, dont la « ville » principale est Ushuaïa, cette portion de terre est traversée de multiples chenaux, appelé les chenaux de Magellan, du nom de ce navigateur Portugais qui dans mes souvenirs à été le premier Européen à passer la pointe sud de l’Amérique du sud. Cet immense réseau de chenaux permet de traverser de part en part cette pointe sud sans avoir à la contourner par le fameux cap Horn de triste, et méritée, réputation. Cette traversée est très impressionnante, tout au tour s’étendent des montagnes enneigées qui alternent avec des massifs plus bas recouvert d’une pauvre végétation rase. La plupart des îlots sont désert et envahis par la brume. Nous sommes au bout des terres, au bout du monde. Plus bas, c’est le passage de Drake et l’antarctique. Peu à peu le passage s’élargit, les montagnes disparaissent derrière la brume ou l’horizon et vers 16 heures nous gagnons la haute mer. La mer est belle, et nous rencontrons nos premiers animaux marins : dauphins, otaries d’Amérique du sud, manchots de Magellan, albatros à sourcils noirs, pétrels géant, damiers du cap parmi d’autres. Pas mal pour une première journée de navigation…

Bruno