mardi 23 octobre 2007

Simba - la der des der

Mardi 23 octobre, ice station Belgica



Nous avons aujourd'hui effectué la dernière station, la "der des der". Malgré notre enthousiasme à arriver à boucler notre programme avec le dernier cycle de prélèvement à Liège, cette dernière station s'est déroulée dans des conditions un peu sévères comme en témoigne la photo de Frédèric à la fin de la station.




La station précédente du 21 octobre s'était déroulée dans des conditions météo parfaites, température relativement chaude, mais pas trop ( -5°C), pas de vent. Nous en avions bien profité et célébré cette dernière station à "Bruxelles" avec quelques bières et un peu de chocolat, à la belge en quelque sorte… A l'inverse, la station d'aujourd'hui s'est déroulée avec une visibilité réduite, le vent couvrant nos voix et la neige recouvrant tout le reste, une neige humide et collante. Les conditions n'était peut-être pas optimales, mais nous devions absolument effectuer cette dernière station, car à présent il est temps de partir. Nous aurions
sans doute souhaité effectuer plus de stations, mais le floe n'aurait sans doute pas résisté longtemps aux terribles pressions de la banquise. Déjà des "cracks" étaient apparues peu avant la dernière station au site de Bruxelles. Maintenant c'était le site "Liège" qui présentait des faiblesses avec une "crack" qui s'étirait à partir de la ligne d'albedo de Martin. Je voudrais rassurer nos lecteur, la "crack" d'1 cm de largeur n'était pas un danger à court terme. Nul risque que Martin passe à travers, même s'il n'est pas très épais; mais à moyen terme, elle aurait pu s'agrandir progressivement jusqu'à ce que notre site soit purement et simplement découpé en deux.


Certains d'entre nous ont pu croiser des manchots Adélie sur la piste. Un jeune phoque nous également rendu visite juste en bordure de notre site. Notre spécialiste des mammifères marins, Brent, un peu narquois, nous a dit qu'il devait vraisemblablement être en quête de femelles, et que nous avions éveillé sans doute ses sens olfactifs. Je sais que chaque homme à une coté féminin, mais je ne m'attendais pas à ce que le notre ce manifeste de cette manière ci…


Bruno

lundi 22 octobre 2007

Simba - Ice station Belgica

Dimanche 22 octobre
« Elle est blanche, elle est froide, mais surtout elle glisse, j’ai nommé … la neige ! », a dit un jour un policier bien connu pour prévenir des dangers de la neige sur la circulation routière. Eh bien, après cette croisière, je vais m’empresser de le corriger : « Elle est froide, elle glisse mais surtout elle est blanche… ».
Par hasard, il se fait que sur la station dérivante Belgica, mon activité principale consiste à mesurer l’albédo de la banquise, ou plutôt, en cette saison froide, de la neige qui se situe au dessus. Mais qu’est-ce donc que donc que l’albédo, me direz-vous ? L’albédo, est la mesure de la faculté d’une surface à réfléchir la lumière. Une surface noire ne réfléchit rien, son albédo vaut zéro et on n’a pas mal aux yeux. Une surface parfaitement blanche réfléchit tout ce qui lui vient dessus, son albédo vaut 1 et on est ébloui (ça pique). D’après mes mesures, qui confirment nombre de mesures plus anciennes, l’albédo de la neige à la surface de la glace se situe entre 0.8 et 0.9, ce qui veut dire que la neige réfléchit entre 80 et 90 % des rayons du soleil qu’elle reçoit (c’est beaucoup, pour de la terre, c’est environ 0.3). Le reste de la lumière du soleil (10 à 20 % donc), est transmis vers l’océan. L’albédo est donc une sorte de mesure de la blancheur de la surface…

« Qu’est-ce que j’en ai a à f…. ? J’sais bien qu’elle est blanche », vous direz-vous avec désinvolture, peut-être avec raison… Voyez plus loin ! Imaginez, qu’à la suite d’un petit réchauffement, la banquise voie sa surface rétrécir. C’est ce qui se passe en Arctique à l’heure actuelle, donc au Nord (autrement dit, pas là où on est, espèce de confondeur de pôles). En rétrécissant, la glace, une surface blanche et réfléchissante est remplacée par une surface beaucoup plus sombre, j’ai nommé, l’océan ! Pour info, l’océan a un albédo d’environ 0.1 (pas beaucoup). Donc, avec la glace qui fond, on passe d’une surface qui laisse passer entre 10 et 20 % des rayons solaires incidents à une surface qui en laisse passer 90 %. La lumière du soleil éclaire, oui, mais surtout, elle réchauffe l’océan. Si l’océan est plus chaud, il va faire fondre plus de glace, et donc rendre la surface encore plus noire, et le tout va s’emballer… En résumé, un petit réchauffement initial va engendrer la disparition de la glace, ce qui va réchauffer l’océan, ce qui va faire disparaître encore plus de glace ce qui va réchauffer l’océan, etc… C’est un effet d’emballement appelé « Rétroaction glace-albédo »… Par rétroaction, on entend un impact d’un phénomène sur la cause qui l’a précédé. Vous suivez toujours ? Cette rétroaction glace-albédo explique pourquoi on pointe toujours les régions polaires comme les plus sensibles aux échauffement climatique : là bas, le réchauffement climatique y est amplifié. Voilà. Si vous n’avez pas compris, euh, bien, il faudra attendre mon retour ou aller sur google pour en savoir plus. En gros, je voulais vous dire, que mesurer l’albédo avec précision, c’est important.

Comment on mesure l’albédo ? On utilise un pyranomètre bidirectionnel. Un paranoquoi ? C’est un dispositif qui recueille à la fois la lumière du soleil (qui vient du haut) et la lumière réfléchie par la glace (qui vient du bas). Le pyranomètre a deux capteurs, l’un orienté vers le haut, l’autre vers le bas, situés chacun derrière une petite fenêtre pour les protéger. Regardez la photo, normalement vous comprendrez mieux.

Ces capteurs, qui transforment l’énergie lumineuse incidente en un signal électrique (une tension) qu’on fait passer dans un cable branché à un multimètre (un appareil qui sert à mesurer les tensions et les courants électriques). La valeur de la tension lue peut être transformée, par simple calcul, en une valeur d’intensité lumineuse (en Watts par mètres carrés), parce que le pyranomètre a été calibré avant. On lit donc sur le multimètre, deux tensions, correspondant aux deux capteurs, qu’on convertit en deux intensités lumineuses, l’une incidente (du soleil), et l’autre réfléchie (de la glace). Pour obtenir l’albédo, on divise l’intensité lumineuse réfléchie par l’intensité lumineuse incidente. Voilà, facile non ? Alors ici, sur notre glaçon, j’ai fait des mesures (beaucoup), le long d’une ligne marquée par des croix que des petits malins appellent « cimetière belge ». Les croix, c’est juste pour marquer avec précision l’endroit où je répète mes mesures. On les voit aussi sur une des photos. Les détails des données vous donneront sûrement l’envie d’arrêter de lire tout de suite, si ce n’est déjà fait.

C’est fait, j’ai réussi à faire un post scientifique ! Cela dit, il y a d’autres choses qui se passent à bord. Ca sent tout doucement la fin. Là, il est 11 heures du soir, on a passé la journée dehors, sur le site « Bruxelles », pour la cinquième et dernière fois. On a tout démonté et ça faisait drôle de quitter le site qui était devenu un peu chez nous. Il nous reste à aller à « Liège » une fois et puis c’est fini pour nous. Tout le monde est assis à sa table, occuper à vaquer à ses occupations. Fred qui est à côté de moi, est de garde, occuper à insulter son chromatographe à gaz en lui faisant passer encore et toujours ses échantillons. Isabelle fait des filtrations de glace fondue ou d’eau de mer pour les analyses biologiques. Et les autres, mmh, bon oui, ils ne font rien, mais ils sont fatigués et ils le méritent bien… Peut-être travaillent-ils ailleurs… Dans cinq minutes, de toutes façons, on va tous se retrouver au « midrat », le repas du soir qui est le moins abominable de tous en général. Je vais donc vous souhaiter la bonne nuit. Et me jeter sur la nourriture, en oubliant mes albédos ! N’oubliez pas : « et surtout… elle est blanche ».

Martin